lundi 30 septembre 2013

Les fraudeurs, boucs émissaires d’un système moribond

Auteur : Patrick Smets (Parti Libertarien de Belgique)

Mise en ligne : 30 Septembre 2013

Source : La Libre Belgique



Les propagandistes de l’URSS avaient pour habitude d’attribuer aux "fraudeurs", aux "spéculateurs" et aux "saboteurs" les échecs de l’économie planifiée. Plus le marché noir croissait, plus les dignitaires communistes l’accusaient de causer les difficultés du communisme, entraînant une répression féroce de l’appareil totalitaire. En réalité, le développement de cette "économie de l’ombre" révélait à quel point l’économie planifiée est inefficace.

Le commerce, rendu illégal, réapparaissait dans la clandestinité et remplissait la fonction essentielle de toute activité économique : la coopération volontaire en vue de l’amélioration des conditions de vie matérielle de l’être humain.

 Depuis quelques années, la crise de la social-démocratie conduit à un phénomène comparable. Le travail au noir et la fraude fiscale, commodément associés à la spéculation financière, deviennent les boucs émissaires d’une classe politique devenue incapable de financer ses innombrables promesses électorales. Toutes proportions gardées, nous assistons à la même fuite en avant dans la répression à tout-va.

L’action concertée des gouvernements occidentaux en vue de la "lutte contre la fraude fiscale" a abouti à une régression sans précédent des libertés et des principes fondamentaux de l’Etat de droit : fichage des citoyens, accès illimité aux données bancaires, informatisation croissante de données privées et confidentielles, échange automatique de renseignements entre administrations fiscales, abandon de la présomption d’innocence, renversement de la charge de la preuve, obligation de s’auto-incriminer. Au même titre que les crimes contre l’humanité, les infractions fiscales sont devenues pratiquement imprescriptibles, comme si la gravité des uns et des autres avaient quoi que ce soit de comparable.

Dans cette guerre, de nombreux acteurs de la vie économique ont été enrôlés, par le biais des législations anti-blanchiment, comme auxiliaires forcés de l’administration fiscale : banques, notaires, réviseurs d’entreprise, courtiers d’assurance, agents immobiliers, et même les avocats dans certaines circonstances, doivent jouer le rôle infect de délateurs de leurs clients. La pratique du "data mining", dont l’administration des Finances est désormais si fière, n’est guère différente des excès de la NSA qui viennent d’être dénoncés par le libertarien Edward Snowden. Tout citoyen est présumé coupable et se voit "scanné" en permanence à travers des bases de données dont il ignore souvent l’existence. En relisant "1984" d’Orwell, on réalise que la réalité a rattrapé la fiction : Big Brother a établi ses quartiers à la Tour des Finances.

Il est vrai que la fraude et l’évasion fiscales sont pratiquées à grande échelle, et qu’il n’est guère de secteur de l’économie qui y échappe. Du serveur de restaurant au rentier qui crée des trusts dans les paradis fiscaux, de la multinationale qui optimise à grande échelle au médecin qui encaisse du black, du député bénéficiant d’indemnités de frais exonérées d’impôt au journaliste percevant des droits d’auteur faiblement taxés, il semble qu’il y ait fort peu de citoyens qui ne cherchent par tous les moyens, légalement ou illégalement, à échapper à l’impôt.

On peut donner deux explications à ce phénomène. Comme les staliniens d’autrefois, certains incrimineront la nature humaine, fondamentalement mauvaise. Ils proposeront donc de contrôler, réglementer, sanctionner et punir. C’est la vision actuelle de tous les gouvernements occidentaux. Mais on peut aussi proposer une autre explication, et du même coup une autre solution : si personne n’accepte de payer les impôts qu’on lui réclame, et que tout le monde cherche à y échapper, c’est peut-être que dans la réalité, hors des postures politiques et des grands principes censés s’appliquer à tout le monde sauf à soi-même, plus personne ne consent à l’impôt. Et, sans doute, n’y consentons-nous plus car nous voyons qu’il s’est réduit à une machine de prédation économique au service de dépenses injustifiables.

Cessons de nous aveugler. Lorsque les gens tentent massivement de s’affranchir d’un système réglementaire, c’est le système qu’il faut changer, pas les hommes ! Ce n’est pas la fraude fiscale qui rend le système fiscal injuste. Au contraire, c’est l’injustice du système fiscal, l’oppression qu’il produit, qui génèrent et expliquent la fraude fiscale. Sur le plan moral, un travailleur au noir n’est pas un criminel. C’est un individu qui produit des biens ou des services pour ses semblables, qui contribue utilement à l’activité économique, et qui enrichit la société dans son ensemble.

Plutôt que de nous enfermer dans une spirale du contrôle et de la répression, nous pensons qu’il faut réduire la taille de l’Etat et baisser considérablement les charges fiscales et sociales, en supprimant, notamment, l’impôt sur les revenus. Nous rêvons de libérer la formidable énergie créatrice du génie humain. Nous rêvons de permettre à chacun de se déployer sans entraves et de participer utilement à la coopération humaine et aux échanges commerciaux. Nous rêvons d’enfin laisser la population produire des richesses à plein régime et, par là même, combattre la pauvreté.

Source : http://www.lalibre.be/debats/opinions/les-fraudeurs-boucs-emissaires-d-un-systeme-moribond-524522d43570bed7db9ecc59


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