jeudi 12 septembre 2013

Taxer la misère

Auteur: Charles De Smet

Mise en ligne: 13 septembre 2013

 

La ritournelle des États-voyous est familière: ils ont besoin de taxer leurs citoyens à des niveaux extrêmement élevés parce qu'ils leur fournissent des "services publics gratuits" qu'ils se vantent parfois même d'être "de qualité". En réalité, ces États-voyous fournissent surtout des fonctionnaires. Et chacun aura remarqué que l'économie et la société "fonctionnent" d'autant moins bien au fur et à mesure qu'ils empilent des "fonctionnaires". Une évidence que soulignait le Fonds Monétaire International:

 

"Au plus un gouvernement est efficace dans l'exécution de ses fonctions, au moins élevé sera nécessairement le niveau des dépenses publiques." [1] 

 


Un niveau élevé de prélèvements est donc un indicateur de l'incompétence et de l'inefficacité d'un gouvernement. Dans ce domaine, il est intéressant de comparer le poids de la fiscalité dans différents États. Une comparaison de la fiscalité des entreprises est peu significative, car, dans ce domaine, les États se livrent une concurrence effrénée, s'imaginant attirer de nouveaux investissements, ou éviter l'exode des entreprises. La fiscalité des revenus des individus est plus révélatrice, car elle touche aux droits fondamentaux des citoyens aux revenus de leur travail, et parce que les citoyens sont moins mobiles, et donc plus corvéables, que les entreprises.

 

En décrivant le système de la “colleganza”, un cadre légal appliqué dans la république de Venise (697-1797) pour permettre le partenariat entre capital et travail (première mention dès 976), un historien soulignait que le rôle du gouvernement vénitien se limitait à la définition des droits et obligations des parties, et à l’administration de la justice permettant d’imposer le respect des règles. Le pouvoir se contentait d’une modeste taxation des entreprises et des profits ainsi financés. Cette frugalité d'un État, économiquement puissant, parce qu'il était resté volontairement dans les limites de son rôle, est incontestablement l’une des raisons de la richesse de Venise, tant celle des gouvernants que celle des gouvernés.

 

“[...] la taxation vénitienne était faible - infinitésimale en comparaison des sommes punitives prélevées par les Byzantins sur leurs propres marchands, ou par la plupart des princes de l’Europe féodale. Ainsi les profits étaient élevés, les motivations étaient considérables, et l’investissement en capital augmentait d’année en année.” [2]

 

Il n'étonnera personne que l'"exception" belge s'inspire plus de Byzance que de Venise, d'ailleurs définitivement supprimée en tant que république indépendante, en mai 1797, par nul autre que Bonaparte, ce grand défenseur d'un État modeste et limité …

 

La Belgique d'aujourd'hui, championne auto-déclarée des droits de l’homme, confisque une part significative des revenus de ses citoyens les plus modestes, afin de subvenir aux énormes besoins de sa gigantesque bureaucratie, aussi tentaculaire que dysfonctionnelle et nuisible. Le tableau compare ce que les citoyens de ce royaume ubuesque sont autorisés à conserver de leurs revenus annuels avec la part que conservent les plus modestes aux États-Unis. La tranche de revenus prise en compte va de 0 à 4000 €, et le taux de prédation est celui qui s'applique aux revenus de 2012, pour un célibataire sans enfants [3]:



Il est atterrant de constater que ce sont précisément les bureaucraties vociférant leurs prétentions à l’égalité, et qui prétendent justifier leur propre existence parasitaire dans leur prétention à imposer par la contrainte cette prétendue égalité, qui confisquent aussi la plus grande partie des revenus les plus modestes. Au niveau de 1.200 euros de revenus mensuels bruts (c’est-à-dire à peine supérieur au niveau de pauvreté aux Etats-Unis), la bureaucratie américaine confisque 10%, mais la kleptocratie belge vole déjà 20% du revenu brut d’un citoyen. En fait, les Etats-Unis, décriés par les politiciens européens pour leur manque de “solidarité”, sont aussi le pays qui taxe le moins les revenus les plus modestes: il est préférable d’être pauvre aux Etats-Unis qu’en Belgique, cette dernière confisquant une part considérable des revenus les plus modestes.

 

Bien entendu, le tableau ci-dessus ne peut tenir compte des multiples distorsions, exemptions, exceptions, déductions, et autres complications inventées par les administrations dans le seul but de justifier leur existence. Certaines de ces perversions peuvent être dissimulées avec beaucoup de talent par ces bureaucraties. Si, en Belgique comme dans d’autres pays, un minimum de revenu est exempté d’impôt, avec le raisonnement que les personnes aux revenus les plus modestes doivent être mises à charge de la société, un stratagème permet à la bureaucratie non pas de déduire ce montant de revenu minimum du total des revenus, mais de déduire le montant des impôts dûs sur ce minimum (c’est-à-dire pas grand chose) du total des impôts exigibles. D’un coup de crayon bureaucratique, tous les citoyens sont donc imposés - abusivement et au mépris de l’équité sociale que l’administration agite sous le nez des redevables - à un niveau de revenu artificiellement rehaussé. Si la première "tranche" imposée à 25% est supposée être de 8.350€ annuels, elle n'est en réalité que de 1.550€!, la prédation étant déjà de 30% dès 700€ mensuels, montant inférieur au niveau de pauvreté!

 

L'extrême injustice de cette perversion dissimulée dans les codes [4] est donc préjudiciable aux revenus les plus modestes. Et la progression est extrêmement rapide: tout ce qui dépasse le montant de 1.000 euros bruts mensuels, pourtant proche de la misère, est confisqué au taux de 40%! La rapacité des bureaucraties est devenue telle qu'elles sont obligées d'aller débusquer leurs victimes parmi les moins favorisés des citoyens, et que même les plus modestes et les plus faibles cherchent légitimement à protéger leurs maigres revenus de leurs prédateurs.

 

NOTES

 

[1]      Victor Tanzi “Fundamental Determinants of Inequality and the Role of Government”, Document de travail du Fonds Monétaire International, WP/98/178, Décembre 1998.

 

[2]      “[...] In these early days Venetian taxation was low - infinitesimal in comparison with the punitive sums levied by the Byzantines on their own merchants, or by most of the princes of feudal Europe. So profits were high, incentives great, and investment capital increased year by year.” John Julius Norwich, “A history of Venice”, Penguin Books, London, 1983 [pages 155-156], traduction personnelle.

 

[3]      Bien entendu, le nombre d’enfants, leur âge, la situation maritale (ou co-habitationnelle...), et une myriade d’autres conditions sont autant d’excuses pour varier les taux, et fouiner dans les détails de la vie privée des citoyens.

 

[4]      Contrairement aux Etats-Unis, où le citoyen complète sa déclaration de revenus en y calculant lui-même les impôts dus (même si ce calcul peut être rectifié par l’administration), la France et la Belgique considèrent leurs citoyens comme des débiles mentaux incapables de calculer le montant des revenus qu’ils auront à abandonner à la férocité et à la goinfrerie des fonctionnaires.

 

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